La vie qui bat

Cette sacrée vie, tout de même. C’est fascinant. Il y a quinze jours, je prenais la porte en pleine tronche, l’annonce de la mort de ma petite mère est bien cela, une porte cochère qui se referme brutalement, tu n’as rien vu arriver et ça t’empaffe la gueule pour te laisser sur le carreau. Hier, je recevais une bonne nouvelle, une très bonne, un de ces mots qu’on aimerait bien recevoir tous les jours, mais qu’on reçoit pas quotidiennement parce que, si ça arrivait tous les jours, ce ne serait plus une bonne nouvelle.

Le téléphone (encore lui, je m’en méfiais ces temps, avec sa propension à vous filer le bourdon) venait de me donner la nouvelle et je descendais la colline à vélo, le train m’attendait. 

Et je pleurais, de ces larmes qui mêlent tout en même temps, les émotions superposées, combinées, les unes avec les autres, jusqu’à générer des sentiments inconnus, une joie d’amertume, un chagrin pizzicato, des tristesses dansantes. Je me disais que j’aurais bien aimé appeler ma petite maman pour lui annoncer la bonne nouvelle, comme je le faisais parfois, mais que cette fois non, je ne le ferais pas, plus jamais. 

Il n’y personne au numéro que vous avez demandé. Essayer les signaux de fumée. 

En parlant de numéro de téléphone, je garde le sien. Il restera dans mon répertoire, comme tous ces numéros que je suis incapable d’effacer, avec celui de Cécile, du Bororo, d’autres encore, ces traces minuscules qui restent de leurs âmes dans mon monde. Si je les effaçais, j’aurais le sentiment de les tuer une seconde fois…