Elle vit dans un monde où le regard de l’autre l’emprisonne, lui impose de porter des vêtements qui lui couvrent le corps entier, le visage, les cheveux, voile noir dont le but est de faire disparaître ses formes, jusqu’à la rendre invisible.
Je pense à ces portraits d’une mère et de sa fille. Sur la série de photographies, au fil du temps, les visages et les tenues, joyeuses et colorées, se couvrent progressivement de tissus dont la couleur se fond au noir du décor. De la vie à la mort. Jusqu’à les effacer. Là, elles sont afghanes, mais elles symbolisent toutes les femmes en noir du monde. Celles dont une morale, un régime politique, des hommes, ne veulent plus que des ombres.
Hier à Téhéran, Ahou Darayei, une jeune étudiante en littérature, a dit non.
Elle s’est déshabillée, ne gardant que ses sous-vêtements, avant de poser ainsi dans la rue. Un défi aux regards fuyants des autres. Une résistance face à l’indifférence. Un acte de courage.
Car il en faut du courage pour ainsi s’exposer à la répression des gardiens et des mollahs.
On se souvient de Mahsa Amini, morte en cellule, le 16 septembre 2022, après son arrestation pour « port incorrect du hijab » par la police des mœurs. Elle avait 22 ans.
Hadis Najafi, 20 ans, tuée de 6 balles par la police lors d’une manifestation. Une vidéo la montrait dévoilant ses cheveux.
Vida Movahed, « la fille de la rue Enghelab ». Elle avait porté silencieusement son voile blanc au bout d’un bâton durant d’une heure. C’était le 27 décembre 2017.
Narges Mohammadi, 52 ans. Militante des droits humains emprisonnée à plusieurs reprises par le régime iranien. Prix Nobel de la Paix 2023.
Nasrin Sotoudeh. Avocate des droits humains. Elle défendait les femmes arrêtées pour avoir refusé le niqab. Le 13 juin 2018, elle a été condamnée à 10 ans de prison et 148 coups de fouet pour « incitation à la débauche ».
D’autres encore. Et nous regardons.