Elle est extraordinaire, Souad Labbize. Sa poésie est simple et forte, sans un seul morceau de gras dans les angles. Dans une interview publié dans L’Orient-Le jour, elle révèle son écriture. Et je crois que c’est la définition la plus juste que j’aie pu lire au sujet de la naissance d’un texte, un vrai.
Quand je suis dans le processus d’écriture, les images me viennent, des images de cinéma. Je me vois en train d’écrire des scènes, je les décris telles quelles. J’aimerais écrire une histoire d’amour à partir de la gestuelle. C’est comme si je décrivais des mains que j’aimais, épluchant une montagne de gingembre pour faire une boisson. Comment garder la chair après avoir épluché tout ça ? Comment épluche-t-on un pomelo ? Je voudrais raconter la quotidienneté de l’amour avec des gestes anodins. Ces images sont dans ma tête et me disent : écris là-dessus ; et je les vois de manière poétique. Quand ma mère faisait du fromage, elle mettait le lait caillé dans le torchon qu’elle essorait. Je l’observais quand il gouttait. Ce sont des opérations scientifiques, quand on est enfant on s’y intéresse. Et quand on le mange, c’est surprenant, agréablement ou pas. Mon texte doit être comme ça. C’est quand il a perdu toute son eau. Perdre les eaux. On ne garde que l’enfant. C’est tout ce qui m’intéresse.
in L’Orient Littéraire, 3 février 2022, propos recueillis par Ritta Baddoura
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