Parle à mon cul, ma tête…

Je m’interroge. Avec cette impression fugace et saugrenue que l’absence de réponse est devenue une sorte de règle commune à l’époque. 

Pour n’importe quoi. Une missive. Une candidature. Une sollicitation personnelle. Un manuscrit. Une question. Une demande. Une proposition. Même les lettres moureuses, les feuilles de nos vies d’automne.

Nous en avons toutes et tous fait l’expérience. Vous écrivez un message, un courriel, un e-mail, un texto, mot circonstancié, poli, développé, un mot qui explique pourquoi vous écrivez. Et vous attendez. Des jours. Des semaines. 

Auparavant, ne pas répondre était réservé à une élite. Aujourd’hui, c’est une pandémie. Tout le monde s’y met. 

Prenez les éditeurs. Ils vous avertissent d’ailleurs. Si vous ne recevez pas de réponse, votre texte n’a pas été retenu. Point. Vous ne saurez pas. Vous n’apprendrez rien. Sinon que la porte d’un éditeur est un trou noir dont la spécificité n’est pas d’attirer la matière, la lumière, mais de la repousser. Notez qu’on peut les comprendre, eux. En période de foutucovid, les officines éditoriales ont été envahies de « moi, je », de « je vous transmets mon âme, ma vie, et plus encore ». Elles débordent. Elles étouffent. Au bas mot, 80% des manuscrits ne valent pas le papier qui les porte. Autant dire que la réclusion contrainte et l’ennui ont provoqué une sorte de congestion des boîtes-aux-lettres et des esprits.

À l’un de ces éditeurs – qui accusait tout de même réception en annonçant la couleur et la règle – j’ai soufflé que j’avais toujours préféré un le claquement d’un non au mépris de l’indifférence. Au moins, le refus est net. On peut grandir après. Le silence est plus sournois. Il vous dit non sans le dire. Pire, il suggère presque que vous n’existez pas. 

Or, l’absence de réponse semble être aujourd’hui d’un usage partagé, comme si l’autre, à tout le moins sa parole, pouvait être nié. 

On me dira que la réalité est peut-être plus prosaïque. Dans le brouhaha des jours, on passe notre temps à trier les informations, les sollicitations multiples, les urgences, les emmerdes, les factures et les p’tits bonheurs, les clins d’œil, les importances ou ce qui y ressemble, le pourriel et l’utile, les courses, la vaisselle, des rêves d’ailleurs, les voisins, des gosses, le boulot, nos loyautés, etc. Il est normal que des trucs passent à l’as. On fera demain. Et on oublie. Rien de personnel. C’est un fonctionnement très humain,  somme toute! Que celle ou celui qui a toujours répondu aux p’tits oignons me jette le premier pavé! 

D’accord! Mais, là, ce n’est plus un oubli. C’est une culture qui s’installe. L’autre m’emmerde, je ne l’aperçois même pas et je passe mon chemin. À croire que deux ans sans pouvoir dévisager les autres incite aujourd’hui à ne plus les envisager.