L’écriture inclusive

Comment font-ils? J’écris « ils » – masculin pluriel – parce que ce sont majoritairement des hommes qui hurlent. Pas uniquement, c’est vrai. Je parle de la polémique – nom féminin singulier – provoquée par les mots d’un ami au sujet de l’écriture inclusive. Il est pour, il le dit sans détour. Il se fait ramasser par les partisanes et les défenseurs d’une langue sacrée et intouchable. 

Comment font-ils pour s’arrêter chaque fois à la surface de la réflexion? Personnellement, j’évite de participer à ces débats stériles sur les réseaux. Le degré zéro de l’écoute et de l’ouverture à tendance à me fatiguer. Donc, je m’abstiens. 

On pourrait d’ailleurs imaginer un mécanisme twiterrien qui empêche toute réponse immédiate, un truc subtil qui t’avertisse gentiment, à la seconde où tu dégaines ta réaction épidermique, que tu n’as pas tourné sept fois ta langue dans la bouche de ton Moi intérieur et, partant, que tu risques d’écrire une bêtise. D’accord, on peut toujours rêver à une forme évoluée d’intelligence artificielle qui viendrait raisonner nos stupidités naturelles. 

Il suffit de dire « écriture inclusive » pour que les esprits s’échauffent. Inclusif·ve. J’ouvre un dictionnaire: Qui inclut (qqch.) en soi. À lire les réactions, je me dis qu’il y a un gouffre entre l’intention et le réel. Elle serait illisible, indigeste, aberrante, complexe, moche, inutile, excluante, repoussante, bref, tous les qualificatifs sont convoqués pour justifier le rejet. Celles et ceux qui la défendent avec.

(…) le jeu avec la langue, le plaisir que je peux avoir à en découvrir les recoins, les nuances, les odeurs, les possibles, jusqu’à la tordre ou la faire danser (…).

Écoutons peut-être un excellent podcast, dans la série « Parler comme jamais ». Il est signé Laélia Veron, une jeune journaliste de Binge.audio. 

Pour une fois, la parole dépasse le parti-pris. Elle explore. Elle interroge. Elle bouscule. 

Le repoussoir, c’est le point médian, cette minuscule typographie qui marque une alternance dans l’usage du mot, nous permet de basculer entre les genres. Alors qu’il existe d’autres facettes de l’inclusion langagière : le féminin d’un rôle, d’une fonction, d’un métier; la mention de l’une et de l’autre, de l’un avec l’autre; la règle de la proximité ou de la majorité; les usages dépourvus de genre; tout ce qui permet de reconnaître que le masculin n’est pas neutre, qu’il ne l’a jamais été, et que le débat est politique avant d’être linguistique. J’ajouterai peut-être ce qui constitue même le cœur de ma démarche d’auteur: le jeu avec la langue, le plaisir que je peux avoir à en découvrir les recoins, les nuances, les odeurs, les possibles, jusqu’à la tordre ou la faire danser. 

J’affirme une chose. Le point médian, je n’aime pas. Si je l’utilise, ce sera dans un texte administratif, un courrier, une lettre, une communication où j’estime important de parler large, ouvert, sans oublier personne, femmes et hommes. Pas ailleurs. Et personne n’exigera que la littérature s’y soumette. Personne ne le demande d’ailleurs. Imaginer que l’on puisse réécrire Proust·e en point médian, l’affirmer sans rougir, en agiter le danger parce que l’on évoque l’inclusion nécessaire, est ridicule. 

Puisque l’on aborde le ridicule, je pose  sans détour un désaccord, au risque d’allumer d’autres incendies. Je pense à l’écriture de certain.ex.s, le x ajouté pour signifier l’absence de genre, prendre en compte toutes les variantes lgbtxyz, ne pas oublier les non-genrés… Là, ce sera ma limite. Je coince. À défaut, j’irais jusqu’à exiger qu’on n’oublie pas les couilles molles, les bas-de-plafond frigides, les kucousus, les catholiques absents et les nains hermaphrodites.