Par ma chandelle verte!

Avez-vous déjà bien observé Trumsk parler? La bouche, le visage, les yeux. Oui, le regard surtout. Cette expression de mépris et de colère mêlée. Une morgue. 

Les mots et leur sens viennent après. 

Hier, je me suis dit: Et si nous relisions le Père Ubu? Il ne serait pas étonnant de retrouver, chez le personnage d’Alfred Jarry, la prochaine réplique de Trumsk, une saillie brutale et absurde dont il a le secret. Écouter Trumsk, c’est plonger dans un théâtre grotesque où tous les coups sont permis, surtout sous la ceinture. 

Le goût de l’outrance est le même. Les discours sont démesurés, la formule provocante, la rhétorique aberrante, entre le crachat désinvolte et la balle entre les deux yeux. 

Il y a chez Trumsk une même avidité du pouvoir. Jarry a donné vie littéraire à un Ubu obsédé par l’accumulation de tout, des richesses,  du pouvoir, un monde où il n’existe ni morale ni justice. Trumsk pareil. L’aune de ses décisions politiques, ce sont ses intérêts personnels.

La comparaison peut s’étendre encore. Chez Trumsk comme chez Ubo, la connaissance est ignorée, la vérité balayée, l’expertise rejetée. Et l’ignorance assumée. Trumsk méprise les scientifiques, les médias, les institutions, préférant une sorte d’instinct animal aux faits établis.

Chez Jarry, le tyran gouverne de manière arbitraire, multipliant les revirements, les choix impulsifs, les caprices de l’instant. Les tweets présidentiels sont-ils différents? Les paroles soudaines, si absurdes qu’il faut se pincer pour en confirmer la réalité, de Gaza à l’Ukraine, en passant par le Golfe du Mexique, révèlent le même style de gouvernance, imprévisible et narcissique.

Le grotesque trumpien en devient presque burlesque. S’il ne mettait en jeu le destin du monde, on se dira qu’il faut bien un temps  carnavalesque. C’est de saison. 

Trumsk, roi autoproclamé. Comme Ubu. Il incarne une forme de caricature politique proche de la farce. Mais le comique cède le pas à l’inquiétude. car le théâtre qui se déroule sous nos yeux est réel. Le cynisme et l’abus de pouvoir en sont la règle. Il faudra sortir de la sidération. Et ce sera douloureux.