La fin de mon utopie

Dans un peu plus d’un mois et demi, en août finissant, auront lieu les Utopiques, l’événement de la Maison éclose. Et si c’était la plus belle nuit de l’été? Ce sera.

L’allusion est loin d’être fortuite. Je me souviens d’une conversation avec Marie-Therese Bonadonna, au Club 44, à La Chaux-de-Fonds. C’était il y a deux ans et je lui racontais ce que j’avais envie de réaliser avec la Maison éclose. Nous venions de vivre cette expérience assez extraordinaire des Trains de vie et elle avait eu ce mot: « vous êtes comme un pop-up dans la vraie vie! ». L’idée était restée pour devenir le slogan de la maison. Nous avions préféré « étincelles » à « pop-up » pour éviter de devoir traduire chaque fois le sens aux non digital native.

Car le projet de la Maison éclose, depuis 5 ans, était là: inventer de nouvelles manières de partager la littérature, avec des couleurs dans les yeux, une générosité dans les gestes, le sens des paroles semées, des oreilles attentives, l’audace des rencontres fortuites, des ombrelles lumineuses, des mots glissés comme des peaux de bananes sous le gris des salons littéraires. 

Or, je le dis ici: les Utopiques sera mon dernier événement! Cinq ans après la première tentative des Désirs, je remettrai les clés de la maison (si quelqu’un souhaite les prendre) l’automne prochain. 

©Anne Bichsel, 2018

Il y a pour moi un formidable paradoxe: en tant qu’auteur, les événements de la Maison éclose sont exactement le genre de manifestation auquel j’aurais envie de participer. Or, l’expérience m’a montré qu’il est délicat – pour mille raisons plus ou moins complexes – de « s’inviter à ses propres fêtes » (comme à son enterrement). La plupart du temps donc, je renonce. Alors même que j’aurais une folle envie d’entrer par la fenêtre et de dire « j’aimerais vous faire un cadeau, un petit cadeau de lecture, une histoire que je vous raconterais à vous et à vous seul.e et dont vous sortiriez en riant, la larme à l’œil, le mors aux dents ou le cœur en chamade ». 

Il y a autre chose. Le projet initial de la Maison éclose était de proposer à des autrices et auteurs un partage commun. Cette utopie-là a fait long feu. Ce n’était que la mienne. Dans le fil de cette histoire brève (5 ans, c’est long et court en même temps), je n’ai pas su créer ce collectif. Les participations n’ont été que passagères. Peut-être quelqu’un.e d’autre réussira-t’il.elle à entraîner d’autres élans plus tard. Je l’espère. 

Il est clair que je n’ai pas envie de poser mon cul sur une chaise de salon du livre en attendant que le chaland s’y arrête un instant. J’irai donc ailleurs. Je ferai autre chose. Différemment sans doute. 

Tenez! J’ai imaginé une nouvelle expérience éditoriale. Cela s’appelle Le Poisson volant *. Je vous en reparlerai. 

*https://lepoissonvolant.ch/

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