Un homme dit #metoo

beso a beso, marigela pueyrredon

dessin: Marigela Pueyrredon

 

Me too. Cela vous surprendra que je l’écrive ainsi. Je veux dire qu’un homme puisse dire qu’il a également vécu cette situation intolérable que les femmes, la majorité d’entre elles, vivent tous les jours.
C’est arrivé plusieurs fois. Il y a longtemps. J’étais jeune, très jeune. La première fois, j’avais 15 ans. C’était un temps où j’apprenais à voler de mes propres ailes, cette époque où l’on hésite entre la main qui vous accompagne et l’extrémité de la planche avant le plongeon dans la vie.
J’ignore comment j’étais arrivé dans cette maison des quartiers riches de la cité. Une fête improvisée. L’alcool se répandait, la musique gravissait les étages, accompagnant les couples dans des chambres rouges.
Le fils de la maison m’aborde. Il a plus de 20 ans. Il se présente, François. Il me propose de filer dans la maison pour surprendre quelques ébats. Un jeu de boutonneux. Je le suis.
Lorsqu’il m’invite à ouvrir la première porte, je fais le chat, sur la pointe des pieds. C’est alors qu’il me pousse à l’intérieur, ferme la porte derrière lui et s’empare d’un fusil militaire qui se trouvait à l’embrasure. « Déshabille-toi ».
Je ne l’ai pas fait. Je suis resté devant lui durant un temps qui, aujourd’hui encore, s’inscrit dans ma mémoire comme une éternité. Au-delà de la première violence, cette arme pointée, il n’a rien fait d’autre, sinon tenter de me persuader que j’avais intérêt à obéir, puis à céder « pour le plaisir », enfin à essayer- comment pouvais-je refuser ce que je ne connaissais pas?
Le temps infini passé, il a posé son arme et m’a laissé m’en aller, partir, quitter cette pièce et la maison, les jambes flageolantes.
J’étais presque un homme, j’apprenais à le devenir et j’ai plongé dans la vie. Longtemps, j’ai repensé à cet épisode et je sais ce qu’il a provoqué, induit, conditionné dans mon apprentissage du monde.
Je me suis dit que seul un homme pouvait utiliser sa queue comme un instrument de pouvoir et que je ne voulais pas ressembler à ces hommes-là.