Elle portait un manteau rouge (chapitre 12)

Elle mesure chacun de ses gestes, s’approche du lit, choisit le côté du père, à droite, il est tourné en direction de la fenêtre, elle le distingue malgré le noir, exercée par tant de veilles à attendre et explorer la nuit. Il faudrait qu’il se retourne d’un quart de tour, afin qu’elle puisse atteindre aisément sa cible. Elle attend, se tapit dans la nuit, arrête de respirer un moment, ferme les yeux de toutes ses forces, lui ordonne de bouger, et il le fait, après un ronflement sonore, il le fait lentement, bascule sur le dos, place maintenant sa façade devant, comme elle le souhaitait. Avec une extrême lenteur, Agata soulève le drap, le glisse vers le bas, découvre petit-à-petit l’épaule, le torse, le ventre, la hanche, la cuisse et le sexe. Il est là, morceau de viande flasque, plus sinistre encore que dans son imagination. À quoi s’était-elle attendu ? Un truc dressé dans la nuit, suffisamment présent pour qu’elle puisse en distinguer la forme et les composants, à l’image des schémas des cours d’éducation sexuelle où l’anatomie, à défaut de poésie, a au moins le mérite d’être claire, accessible, distincte, pas comme ce machin flasque et difforme. Elle en lâche presque son couteau, respire un coup, perçoit même l’odeur âcre du pénis en sommeil. Elle se retourne et quitte la chambre. Elle se dit qu’il n’est pas facile de couper des couilles.

Elle portait un manteau rouge, Ed Tarma 2013