Le bouc et la brebis


La raison du plus fort n’est jamais en son sexe :
Nous l’allons montrer sans complexe.
Une brebis se promenait
Une nuit de pleine lune
Survint un mâle en rut, qui cherchait la fortune
Que le dédain en ces lieux attirait.
Qui t’autorise, hardie, à vaquer ainsi nue ?
Dit l’animal qui de fait insinue
Qu’une culotte à l’air est un appel clair
Un petit cul fragile, se cache dans les villes.
Non, répond la fille,
Si votre bite se désaltère
Dans le lit des rivières
Où coule votre foutre
Je ne suis point une outre
Sachez que je préfère
Ma liberté légère
Si tel est mon désir
Pour ainsi me vêtir
Gardez vos conclusions
Au fond de vos caleçons
Et apprenez seulement
Ce qu’est consentement.
Là-dessus, d’un pied de nez
Elle laisse seul hébété
Le bouc et son petit gourdin
S’amuser seul avec sa main.

La fin du Palarbre

Il est parfois nécessaire de repenser aux objets que l’on imagine. Et se dire qu’on s’est trompé. 

Lorsque je j’ai conçu ce truc, Le Palarbre, je le voyais déjà, avec ses fruits de couleurs, beau comme un animal tranquille, posé dans le décor d’une librairie ou d’une bibliothèque en attendant le chaland. Un chaland qui s’extasierait devant la simple beauté des choses en cueillant allègrement les fruits sonores de cet arbre étrange pour écouter les histoires qu’il raconte. 

Et… non! C’est un flop. À part les enfants, personne ne s’y intéresse. 

Le Palarbre est un décor invisible. On ne touche pas aux branches des arbres. Les casques sonores sont vus peut-être comme les porteurs des germes du monde, des virus sournois, des propagateurs de goutte au nez. 

On ne touche pas! 

Peut-être est-ce cela. On nous a tellement appris qu’on ne « touchait pas aux choses qui traînent ». Il faut d’ailleurs voir la réaction des parents lorsque les enfants s’approchent. Touche pas!

Je prends aujourd’hui la décision de démanteler le Palarbre. Il restera cette image d’un arbre aux fruits bleues dans une nuit de décembre. 

Raconte-moi un mouton

image réalisée par Dall-E 2

L’AdS (les autrices et auteurs de Suisse) était à Soleure. En assemblée générale. Le débat portait sur les risques et opportunités de cette « intelligence » artificielle. Avec un exposé du philosophe et écrivain Hannes Bajohr. Le communiqué 1 m’a laissé perplexe (lien en fin d’article).

Le compte-rendu des débats me semble un peu léger. Un communiqué ne peut certes tout dire, mais au regard de l’enjeu, on aurait pu avoir plus de chair et d’audace. Qu’il s’agisse « d’une discussion animée » ne nous dit rien . Quant à la comparaison d’Hannes Bajohr 2 évoquant le passage entre l’écriture manuelle et la machine à écrire, elle ne tient pas longtemps. L’IA n’est pas qu’un simple « extension », un « instrument » de plus, ce qui nous permettrait de nous rassurer à bon compte, sur l’air de « nous ferons avec elle ce que nous avons toujours réalisé ». 

La machine, l’ordinateur même (tant qu’il n’était pas connecté au réseau) l’étaient. Il y avait un fil évolutif, une sorte de continuité dans la fonction. Aujourd’hui est un temps de rupture. 

L’IA introduit fondamentalement un changement de paradigme. Nous pouvons sourire de son absence d’humour, nous gausser du trait poétic-tac-toc d’un service comme Poet GPT (si, si, ça existe sur https://poetgpt.koll.ai), nous dire que la littérature peut exister/dormir tranquille « tant que fleur rimera avec rêveur », nous moquer (je l’ai fait) en affirmant que « preuve est faite que les robots ont des pieds puisqu’ils écrivent avec… », on rira moins lorsque des bouquins sortiront tous cuits des fours éditoriaux. C’est en cours. C’est déjà là. 

Notez que je ne suis pas un briseur de machines-à-vapeur. Je l’utilise. Non pour écrire les yeux fermés, mais parfois pour changer de prisme. J’invente un récit en imaginant, par exemple, la découverte d’un ancien document dont tout le monde estime qu’il s’agirait d’un faux. Ma fiction amorce le débat. Dans mon histoire, j’ai besoin d’une « expertise » qui, en fonction de ma description de l’objet, alimentera une version (vrai ou faux). Or, comment un spécialiste de la Bibliothèque nationale rédigerait-il une telle expertise, statuant sur la qualité du papier, de sa fabrication, avec ses mots d’expert, sa science propre, son jargon, ses formules consacrées. Jusqu’ici, j’allais en bibliothèque, fouillais les archives, cherchais des exemples pour tenter de cerner le langage vraisemblable à utiliser dans ce contexte. Aujourd’hui, je demande à chatGPT: « écris-moi une fiche d’expertise, à la manière d’un spécialiste de la Bibliothèque nationale, à propos de… ». Et ça marche! J’obtiens une base de travail, rien de définitif, mais qui me donnera du grain à moudre. 

En même temps, je reste attentif. L’usage que je viens de décrire est bien de l’ordre de la continuité fonctionnelle: je remplace un long travail documentaire par une « simple » interrogation de mon « assistant IA » (je l’appelle mon chat Gépété, parce qu’il ronronne). Il s’agit de l’extension dont parle Hannes Bajhor. 

Or, l’autre jour, je suis tombé sur un post FB sponsorisé, une pub d’apparence banale, proposant de « faire écrire son livre » par la machine et de le « publier automatiquement sur Amazon ». C’est là que le jeu des apparences devient pervers. Pour deux raisons au moins. D’abord parce que ça crée l’illusion. Des gogos y mettront les doigts, avant de se les mordre. Ensuite parce que ça brouille les pistes littéraires. 

Au stade actuel de l’IA, nous sommes encore loin de la littérature. Mais on peut déjà aisément remplacer Arlequin, Mon cul sur la commode ou Blanche-Neige au paradis. Et les bouquins pondus dans le seul but de nourrir l’ennui se vendent. Suffisamment, merci pour eux. 

La boîte à malices est ouverte. 

Il y a de quoi garder le débat ouvert, ne pas avancer à l’aveugle, explorer, ne pas ignorer, proposer de bonnes pratiques, se fixer des cadres, annoncer la couleur.

Demande à chatGPT:

« Décris-moi un monde où la littérature sera écrite par des robots… »

Réponse de l’IA:

« Bienvenue dans un monde où la littérature est écrite par des robots ! Dans cet univers futuriste, les machines dotées d’intelligence artificielle ont atteint un niveau de sophistication étonnant, leur permettant de créer des œuvres littéraires captivantes et inspirantes.

Les robots auteurs sont alimentés par d’immenses bases de données de connaissances, comprenant des milliers d’années de littérature et de textes variés. Grâce à des algorithmes avancés, ils sont capables de générer des histoires complexes, des poèmes émouvants et des romans intrigants.

Dans ce monde, les robots écrivent avec une précision et une cohérence sans faille. Leurs récits sont riches en détails et en émotions, captivant les lecteurs dès les premières lignes. Chaque histoire est unique, créée avec une combinaison d’éléments narratifs qui défie souvent les attentes des lecteurs.

Les robots auteurs ne sont pas limités à un genre particulier. Ils peuvent produire de la science-fiction épique, des romans historiques réalistes, des thrillers palpitants, de la poésie lyrique et bien plus encore. Leur imagination est sans limites, et ils explorent des mondes fantastiques, des civilisations oubliées et des concepts philosophiques complexes.

Cependant, malgré leur talent pour la création littéraire, certains débats éthiques entourent l’idée de robots auteurs. Certains soutiennent que l’essence de la créativité humaine ne peut être reproduite par des machines, tandis que d’autres voient cette nouvelle forme d’art comme une évolution naturelle de la technologie.

Dans ce monde littéraire robotisé, les écrivains humains ont également trouvé leur place. Certains collaborent avec les robots pour créer des œuvres hybrides, mêlant la sensibilité et l’expérience humaines à l’efficacité des algorithmes. Cette coexistence entre l’homme et la machine donne naissance à des chefs-d’œuvre inédits et surprenants.

En fin de compte, le monde où la littérature est écrite par des robots offre une abondance d’histoires, de styles et de perspectives. Il crée de nouvelles possibilités créatives et stimule l’imagination de tous ceux qui se plongent dans les récits générés par les machines. »

– Tu veux rire? Ai-je demandé au robot. 

– Bien sûr, je voulais te faire sourire!

Il a encore ajouté une « blague » de son cru (je vous épargne l’humour Carambar). 

Je crois que je vais écrire des haïkus… 3

  1. Le communiqué de l’A*dS se trouve ici
  2. Le site d’Hannes Bajohr
  3. L’allusion au haïkus est une référence au roman de Ian Mc Ewan, x. À lire absolument.

En raison d’un souci technique…

Un train s’arrête à Amberieu-en-Bugey. Il est 14:50. L’attente se prolonge. La première information arrive 20 minutes plus tard: un problème survenu sur un passage-à-niveau. Un jeune agent distribue des bouteilles d’eau, signe que la panne va durer. Confirmation quelques minutes plus tard: le départ n’est pas possible avant 16:30.
À 15:30, on transvase. Les voyageurs n’ayant pas de correspondance à Lyon sont priés de quitter le train et d’embarquer dans un autre.
Vers 16:30, le premier convoi s’ébranle. Le nôtre reste en rade. 17:05, rebelote: nouveau transfert dans un train bourré comme une saucisse à moteur.
Les agents en gare communiquent au compte gouttes, au fil des infos lacunaires qu’ils reçoivent: la voie avait bien été dégagée, mais un automobiliste a forcé le passage, bloquant tout à nouveau. Le premier train est toujours coincé en rase campagne.
Une chose remarquable à relever: le calme des gens, comme une résignation bonhomme. La fatalité du temps? Le foutoir ferroviaire? Les grèves en cascades? Les syndromes d’aliénation postcovidee? Tout le monde prend son mal en patience, habitué à l’attente sans autre perspective qu’elle-même.
Une demi-heure encore. Les rumeurs d’un départ après vingt heures longent les quais. Les bruits sont les seuls à circuler. Les wagons se vident. On prend l’air. On respire. On sourit encore.
Soudain, les agents de gare sont pris à revers. Ils venaient de dire je ne sais pas, nous n’avons pas d’info quand le haut-parleur du quai crache le morceau. Le prochain train va partir sur voie D, attention à la fermeture des portes… tout le monde remonte, sans précipitation, celles et ceux qui avaient une place assise la retrouve, les debouts aussi, les couloirs entre les valises et les chiottes.
Coup de sifflet fatigué, les portes se referment, quelques minutes suspendues et le train repart.
Les haut-parleurs du wagon crachent à nouveau un truc incompréhensible. Je me dis que la compagnie des trains devrait cesser de cracher ainsi…


À Lyon, il est 18:25. Nous aurions dû arriver à 15::22.

Une prière

J’adresse une prière

Un petit mot infime

Une note particulière 

Un aveu presque intime

À ces amis d’ici

Qui lancent d’un geste clic 

D’un simple raccourci

Une carte électronique 

En vœux de bonne année 

Un multiple sans âme 

De paroles envolées 

Et dépourvues de flamme

N’en faites rien pour moi

Effacez mon adresse 

De vos listes d’envoi

Évitons la tristesse

Gardez ce temps précieux

Pour inventer un rêve 

Écrivez un poème 

Une graine que l’on sème 

Et puis aimez sans trêve 

Les yeux dans les yeux.